Les Khmers Rouges, rencontre avec l’horreur

 

Carte

Nous commençons cette journée consacrée à la capitale du Cambodge, Phnom Penh en douceur.

Le palais royal

Le roi Sihanouk vient de mourir. Grande figure politique de ces cinquante dernières années, c’est lui qui a mené le coup d’état de 1953 qui avait conduit à l’indépendance. De ce fait, seule une petite partie du palais est ouverte au public car le reste est réservé à ceux qui viennent se recueillir sur sa tombe.  C’est un très joli bâtiment, très coloré, avec des toits très pointus. Au centre se trouve la pagode d’argent qui contient le fameux Bouda d’émeraude, une statue haute de 50 cm faite dans un seul bloc. C’est magnifique, surtout quand on voit la lumière passer au travers – malheureusement on n’a pas le droit de prendre de photos.

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Les petits batiments avec une sorte d;antenne sont des stupas, ce qui signifie tombe.

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Frise qui fait le tour du batiment. Une grande partie est en renovation a cause de l’humidite et de l’abandon pendant les Kmers Rouges.

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L’éléphant blanc est un symbole fort au Cambodge.

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En sortant du palais, nous croisons cet enorme grillon.

Suite à l’indépendance du Cambodge, le roi fit énormément de voyages dans les campagnes afin de booster sa popularité, ce qui fut efficace car notre guide en parlait avec adoration. Cela n’empêcha cependant pas les paysans de souffrir de dures conditions de vie sans grande amélioration.

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Nous allons ensuite au musée, un superbe bâtiment dans lequel se trouve une très belle collection d’œuvres d’art comme on n’en voit pas chez nous, plus dans l’imaginaire et la réalisation porte une plus grande attention au ciselage, qui est d’une remarquable finesse.

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Vue de l’extérieur

Là encore, pas le droit de prendre de photos, à part celle-ci à l’entrée.

En face sont en train de se construire des bâtiments pour la cérémonie de crémation du roi.

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L’arrivée au pouvoir des Khmers Rouges

Sentant que la monarchie touchait sa fin, le roi Sihanouk abdiqua en 1955 en faveur de son père Norodom Sumarit afin de créer un parti, le Sankhum (Parti communiste), qui gagna des élections douteuses en 1956. C’est dans ce parti, qu’un certain Saloth Sar, plus connu sous le nom de Pol Pot, un professeur qui fit ses études a Paris, débuta son ascension  politique. En 1963, son pouvoir s’amenuisant, Sihanouk fit partir un certain nombre de cadres du parti, dont Pol Pot, qui fondèrent dans l’exil le Communist Party of Kampuchea, surnommé les Khmers Rouges. Pendant ce temps, Sihanouk mit fin aux relations avec les États Unis et nationalisa le système bancaire et les activités d’import-export. En 1966, le roi fit l’erreur politique de porter plus d’attention à la visite de Charles De Gaulle qu’aux élections, ce qui permit au Général Lon Nol de devenir Premier Ministre.

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En 1970, Lon Nol abolit la monarchie. S’en suivit une période de grande corruption et d’instabilité économique qui permit aux Khmers Rouges de gagner en popularité. Ils firent une avancée sanglante jusque Phnom Penh; cependant, les cambodgiens interprétèrent les témoignages de villages massacrés comme ayant été causés par les vietnamiens qui essayaient de passer par le Cambodge pour attaquer les américains. Pour ces raisons, les Khmers rouges furent accueillis à Phnom Penh en héros le 17 avril 1975.

Cet enthousiasme fut de courte durée cependant car dès le lendemain de leur arrivée au pouvoir, les Khmers Rouges firent évacuer la ville de tous ses habitants et brûlèrent la monnaie et les titres de propriété.

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Photos de la ville désertée (musée du génocide, S21) – nos films post apocalyptiques n’ont rien inventé.

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Voitures à l’abandon.

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Usine abandonnée ; les ouvriers étaient envoyés dans les champs.

Ils créèrent dans la violence une société organisée autour de la vie rurale, dans laquelle toute idée de famille, richesse et statut était abolie. Le pays devint un gigantesque camps de travail forcé. Leur incapacité à organiser les choses efficacement et avec bon sens, et leur désintérêt pour la vie humaine, causa la mort de centaines de milliers de cambodgiens qui périrent de manque de nourriture, d’épuisement, ou de maladies normalement sans gravité. Il fut par exemple décidé qu’il y aurait trois récoltes de riz par an mais comme la terre n’est pas celle du delta du Mekong, cela créa encore moins de riz que d’ordinaire. De plus, une grande partie des récoltes, qui étaient supposées être redistribuée auprès des paysans, fut en réalité envoyée en Chine.

Durant cette période, ce régime paranoïaque engagea une campagne d’exécution massive afin d’éliminer les ‘ennemis du parti’: les cadres militaires ou de l’ancien parti communiste, toute personne éduquée ou parlant une autre langue, les moines, même ceux qui portaient des lunettes. Toute l’élite du pays disparut au profit de très jeunes et cruels soldats, faciles à manipuler.

Durant ces trois ans, huit mois, et vingt jours de dictature et de génocide, entre un et deux millions de cambodgiens périrent, soit 20% de la population.

Beaucoup de vietnamiens vivant à la frontière du Cambodge périrent également, et c’est pour cette raison que le Vietnam prit les armes et vint libérer le Cambodge. Cela n’a cependant pas calme la colère des Cambodgiens qui les considèrent en partie responsable de cette dictature qui a eu le soutien, au départ du moins, de Hanoi.

C’est à cette partie tragique de l’histoire du Cambodge, et de l’humanité en générale, qu’est dédiée le reste de notre journée. Nous voulions nous confronter à ce devoir de mémoire – ce fut très dur.

Choeung Ek, les champs d’exécution

Nous allons visiter Choeung Ek, les champs d’exécution, situes à 10 km de la ville et dans lesquels ont été assassinés environ 17,000 victimes. C’était un ancien cimetière chinois dans lequel il était traditionnel d’y passer de la musique, ce qui permettait aux Khmers Rouges de cacher les cris des victimes aux oreilles des résidents. C’est expliqué ici :

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A l’entrée se trouve une haute tour dans laquelle sont entreposés des crânes sur toute la hauteur.

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L’endroit est composé de plusieurs fosses communes ; 43 sont encore à excaver.

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Les fosses les plus grandes sont recouvertes d’un toit. Celle-ci était consacrée aux femmes et enfants qui étaient également exécutés de peur qu’ils reviennent un jour venger leur père / mari.

Comme le Cambodge n’a pas les moyens de maintenir le lieu, tout ce qui est rejeté par la terre au fil des saisons n’est pas vraiment ramassé. Alors que nous faisons la visite, nous ne pouvons pas faire autrement que de marcher sur des restes d’os et de vêtements.

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Notre guide nous incite à en chercher, comme pour amener un aspect ludique à la chose, ce qui nous gêne un peu. En même temps, il vient la quasiment tous les jours, ce n’est pas à nous de juger sa façon de vivre avec l’histoire de son propre pays. Sa mère a survécu bien qu’étant professeur d’anglais ; elle a du se sentir particulièrement en danger lui dis-je, ce a quoi il me répond que tout le monde se sentait en danger car ils ne s’embarrassaient pas de raisons pour tuer des gens.

Les japonais ont pour coutume d’attacher des bracelets en signe de prière pour les victimes.

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Comme sur cet arbre… (âmes sensibles, abstenez-vous de lire la pancarte)

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A l’approche de ce joli arbre, en apparence inoffensif, une touriste, son audioguide sur les oreilles, pousse un cri d’effroi. Notre guide nous explique que ses feuilles sont en réalité très tranchantes et furent utilisées pour tuer.  Au départ, les victimes étaient tuées d’une balle dans la tête, mais comme cela coûtait cher, elles furent ensuite égorgées. Dans un but toujours économique, cet arbre permit de ne pas avoir à utiliser de lame en métal.

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La nature s’obstine à être généreuse, insouciante du passé.

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La prison S21 : du savoir à la cruauté

Nous allons ensuite visiter la prison S21, le lieu d’interrogatoire dans lequel sévit le tristement célèbre Douch. Vous connaissez peut être ce documentaire très célèbre qui a été diffuse il y a un an ou deux. Nous l’avions vu ;  la froideur de ce petit homme méticuleux nous avait marqués. C’était très impressionnant de se retrouver dans ce lycée français qui ressemble à n’importe quel autre- surtout aux nôtres vu que l’architecture est clairement française – mais qui avait été converti en prison / camp de torture et d’exécution.

Une véritable métaphore de cette dictature qui a remplacé le savoir par la cruauté.

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Premier batiment, les salles d’interrogatoire

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Le lycée est entouré d’épais barbelés

Première partie: le bâtiment ou se déroulaient les interrogatoires.

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Ancienne partie du gymnase converti en potence

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Deuxième partie : les bâtiments de détention.

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Vestiges de l’éducation…

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Cellule d’une des sept personnes qui ont survécu

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Tombes des corps qui furent retrouvés à l’arrivée des vietnamiens

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Musée du génocide. Comme les nazis, les Khmers Rouges se sont appliqués à répertorier leurs activités.

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Chaines utilisees pour immobiliser les prisonniers pendant la nuit

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… Comme illustré dans cette peinture

Toute personne qui entrait dans la prison en sortait les pieds devant. Seuls sept prisonniers échappèrent au massacre final avant que la prison soit libérée.

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Un seul d’entre eux est encore vivant actuellement – et en pleine forme! Il était présent pour vendre son livre-temoignage. On l’a acheté mais je n’ai pas encore eu le courage de le lire. C’était un peu irréel de se dire que l’on pouvait survivre a de telles épreuves – de plus avec un si grand sourire (pour un peu il allait oublié de me prendre mon billet!). J’étais franchement en état de choc.  

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Récentes marques de ballon sur le plafond. Comme toujours, la vie finit par reprendre ses droits et les enfants viennent parfois jouer au ballon.

Notre guide nous explique qu’il y a encore des Khmers Rouges au pouvoir actuellement car l’exécution de l’élite avait laissé le pays dans une pénurie de compétences pour le restructurer. Il est considéré que certains cadres du parti n’étaient pas au courant des atrocités donc ils ont été « pardonnés » et remis au pouvoir. Ça me fait repenser aux rizières millénaires que nous avons traversé au retour des champs d’exécution ; le guide nous avait expliqué qu’elles sont sur le point d’être rasées pour y installer des usines étrangères en quête de main d’œuvre bon marché ; essentiellement chinoises. La coutume pour ces usines est de ne rester que quelques années, le temps de spéculer sur les terrains environnants puis de partir dans la nuit sans payer les employés. Le gouvernement ne fait rien.

Je n’avais jamais senti une telle distance entre le peuple et son gouvernement.

Fin de journée colorée :

Fort heureusement, Phnom Penh est une ville très agréable et nous repartons en visite, d’un temple cette fois, qui est situe sur une colline. Ca fait du bien de retrouver un peu de vie. Nous passons devant leur ‘Big Ben’ cambodgienne, une horloge géante.  Au sommet se côtoient des temples de diverses religions.

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Statue dorée avec un explorateur français sur la gauche

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Bouddhiste…

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Taoïste…

Super photogéniques, ces moines avec leur toge couleur safran. Demain, nous partons en voiture pour Siem Reap, la ville des temples d’Angkor – le grand jour approche, on est impatients.

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